31 Août 2022
Résumé
Quatre adolescentes veulent découvrir l'amour, autant par goût que par pression sociale... Tous les soirs, malgré la journée passée ensemble au lycée, elles échangent des messages délivrant leurs désirs, leurs intrigues, leurs réussites ou leur impatience. Jusqu'au jour où le drame a lieu...
Avis
« Le Poison D'Amour » est le deuxième tome d'un diptyque sur, vous vous en doutez, le thème de l'amour. Bien que l'histoire soit totalement indépendante de celle de « L'Elixir D'Amour », il est clair que l'une ne va quand même pas sans l'autre. Les deux couvertures sont d'ailleurs comme des miroirs l'une de l'autre. Eric-Emmanuel Schmitt nous offre ainsi une première vision positive de l'amour, puis une vision négative avec « Le Poison D'Amour », dont le titre lui-même donne le ton.
Quatre adolescentes très unies découvre les affres de la passion, le désir sexuel et les pressions sociales. Via leurs journaux intimes et leurs échanges textuels, Eric-Emmanuel Schmitt pose en fait différentes réflexions qui touchent tous les adultes en voie de formation. A l'heure où la notion de famille est totalement revisitée, où le mariage est décrié et le divorce sur-utilisé, ces jeunes filles tentent de se construire une identité qui leur permettra de s'épanouir dans leur vie personnelle et de ne pas reproduire les erreurs de leurs parents. Le premier extrait de chaque journal pose l'intrigue : aucune ne s'aime, comme c'est souvent le cas à la puberté et chacune préfère ses amies qu'elle trouve parfaites. Pourtant chacune veut connaître le sexe et parfois l'amour.
Entre celle qui veut dominer le jeu pour ne pas souffrir, celle qui se croît mal aimée, celle que tous les garçons voient comme leur bon pote et la dernière qui ne se trouve aucun attrait physique, nous plongeons dans un univers plus trouble encore qu'il n'y paraît. Les drames s'enchaînent sans que l'on puisse en deviner la véritable raison jusqu'au dénouement final. La psychologie des adolescents est très bien retranscrite et montre à quel point un détail, pouvant paraître insignifiant aux adultes, mènera à la ruine une jeune fille au taux d'hormones trop élevé. De plus, Eric-Emmanuel Schmitt utilise avec brio le chef-d’œuvre de Shakespeare « Roméo et Juliette » que le lycée des jeunes filles doit monter en spectacle, afin de faire une mise en abîme avec la situation que vivent les principales protagonistes.
Malgré tous les bons points évoqués, j'ai moins apprécié ce deuxième opus. Peut-être est-ce parce que je suis une incorrigible fleur bleue, convaincue en l'amour et que j'ai du mal à le considérer comme un poison ou bien parce que le destin de quatre jeunes filles évoqué dans un si petit livre m'a donné un sentiment de bâclé … Toujours est-il que j'ai eu plus de difficultés à rentrer dans l'intrigue et à vraiment me passionner. Enfin, quand le drame est arrivé et malgré un vocabulaire adapté et des phrases toujours parfaites, je n'ai pas ressenti de bouleversement et encore moins versé de larmes. Les héroïnes ne m'ont pas laissé de grande impression au point que je n'ai pas réussi à totalement m'attacher à elles.
Conclusion
Voici un deuxième tome qui, bien que plaisant, ne laissera pas non plus un souvenir intarissable. Je pense l'avoir plus vu comme une mise en garde : il faut faire attention à son prochain avant qu'il ne soit trop tard. Il est certain que ce n'est pas le meilleur livre d'Eric-Emmanuel Schmitt.
LE POISON D'AMOUR :
Auteur : Eric-Emmanuel Schmitt
Editeur : Albin Michel
Collection : Romans Français
Date de parution : 01/10/2014
Prix : 15€
ERIC-EMMANUEL SCHMITT – Biographie
Éric-Emmanuel Schmitt, né le 28 mars 1960 à Sainte-Foy-lès-Lyon dans la région Rhône-Alpes, est un dramaturge, nouvelliste, romancier et réalisateur français naturalisé belge en 2008. Agrégé de philosophie, docteur, il s’est d’abord fait connaître au théâtre avec Le Visiteur, cette rencontre hypothétique entre Freud et peut-être Dieu, devenue un classique du répertoire international. Rapidement, d’autres succès ont suivi : Variations énigmatiques, Le Libertin, Hôtel des deux mondes, Petits crimes conjugaux, Mes Evangiles, La Tectonique des sentiments… Plébiscitées tant par le public que par la critique, ses pièces ont été récompensées par plusieurs Molière et le Grand Prix du théâtre de l’Académie française. Son œuvre est désormais jouée dans plus de quarante pays. En 2006 il écrit et réalise son premier film: Odette Toulemonde. Toutes ses œuvres en français sont éditées par Albin Michel.
« Je m'apparente au chaînon manquant. Ça part dans tous les sens, ça se fout de la symétrie, ça n'est pas harmonieux, ça sent, ça prend des couleurs saugrenues et ça se couvre d'éléments parasites. En résumé, je sécrète du poil, des boutons, de la graisse et des odeurs.
Elle s'enclenche mal, ma vie. »
« D'ailleurs, le professeur d'histoire-géographie, monsieur Burgos, nous l'avait annoncé au collège : selon les statistiques nous aurons plusieurs métiers et formerons plusieurs couples. Voilà le monde moderne ! »
« [...] chacune de nous avait, parmi les adultes qu'elle fréquentait, des exemples d'amitiés qui avaient franchi les décennies. Le procès était achevé : nous avons relaxé l'amitié et envoyé l'amour en prison pour infidélité ! Puis nous avons conclu que la langue française se trompait en autorisant "amour" à rimer avec "toujours", et qu'en revanche elle sonnait juste en mariant "amitié" avec "éternité". »
« C'est étrange, une main ... Tant qu'elle se tient à distance, elle se contente de prolonger un bras, on ne la remarque pas; en revanche, sitôt qu'elle se pose sur notre peau, s'ensuit une métamorphose; elle change de consistance, veloutée, ferme, calleuse, molle, moite, sèche; elle modifie sa température, chaude, froide ou glacée, elle acquiert de la personnalité, cesse de se taire, bavarde, transmet des sentiments, l'attraction, la violence, le dégoût; bref, s'arroge une bizarre indépendance, la main posée sur notre peau, elle se coupe du corps auquel elle appartient et gagne de la présence. »
« Aujourd'hui, avec les couples qui se font, se défont et se refont ailleurs, être un enfant requiert beaucoup d'indulgence envers ses géniteurs. »
« On ne choisit pas en amour, on est choisit par l'amour. La passion fond sur Juliette et Roméo comme un virus contamine une population. Venue de l'extérieure, elle les infiltre, elle creuse son lit, prospère, se développe. Ils la subissent, cette passion, ils se tordent de fièvre, ils délirent, ils laissent toute la place à ce fléau, au point d'en mourir. »
« Nous, les adolescents, nous comprenons à travers les adultes que chaque sentiment se tarit. Ma mère donne l'impression que, une fois une relation finie, l'amour expire : il ne subsiste qu'une désillusion au parfum de haine. En revanche, Dad me montre que, lorsqu'une passion meurt, une passion naît; il m'autorise à croire en l'amour, même si celui-ci se fractionne ou se métamorphose. »
« [...] extravagant, le divorce ! Celui qui part trouve toutes les qualités à celle qui l'a fait fuir, tandis que celle qui refuse la séparation explique au monde entier qu'elle vivait avec un monstre. »
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